| Thierry Ehrmann fait la révolution... avec 
    Internet  
    Rolex en or au poignet par-dessus un tatouage, Jaguar rutilante mais 
    jeans et polo noirs, et, dans son bureau, des uvres d'art sacré cotôyant des portraits de dignitaires 
    communistes... 
 Thierry Ehrmann manie les paradoxes avec une parfaite aisance. Il 
    en joue, même. Cette étoile montante de la nouvelle économie, qui a soutenu activement Gérard 
    Collomb, le nouveau maire socialiste de Lyon, n'est pas gêné d'avoir le nom de Bernard Arnault - un homme 
    de gauche qui s'ignore, selon lui - désormais accolé à celui de sa société, Artprice.com, 
    depuis que le patron de LVMH s'est invité au capital.Chez lui, l'enracinement à gauche est génétique. Son père déjà, un riche industriel 
    lyonnais, était réputé pour ses idées progressistes dans une ville conservatrice. Lui a tout 
    simplement l'impression d'être au cur d'une révolution en marche : celle de l'Internet. « Révolution, 
    au sens marxiste du terme précise-t-il, ébranlant la société comme hier l'imprimerie 
    ou la machine à vapeur. » Sauf que, cette fois, l'argent n'est pas un facteur discriminant. « 
    Les nouvelles technologies coûtent très peu cher. Du coup, on va assister à une redistribution complète 
    des richesses. » Thierry Ehrmann est bien placé pour le savoir. La valeur de son holding, qu'il envisage 
    de coter en Bourse dans les prochains mois, est estimée de 600 millions de francs. L'histoire commence en 1987 
    avec la création du groupe Serveur. « Serveur, du latin servire qui signifie être soumis, explique-t-il. 
    Mais l'esclave s'affranchit. » Une de ses premières contributions à l'émancipation humaine 
    a été de mettre en ligne, d'abord via le Minitel, l'une des plus grosses banques de données de droit 
    social qui synthétise notamment l'ensemble des conventions collectives françaises. « Un siècle 
    de combat réuni en un seul lieu et accessible instantanément », dit-il fièrement. Cette 
    initiative lui a valu les foudres du patronnat. Puis est arrivé Internet. Un formidable accélérateur. 
    En 1994, il créé Artprice.com, une base de données qui met à jour quotidiennement les cotes 
    de plus de un million d'artistes dans le monde. Intarissable sur le Net, Thierry Ehrmann y voit un média anarchique 
    et subversif qui est en train de bouleverser les règles du capitalisme. Et de citer Jeremy Rifkin : « Dans 
    les nouveaux modèles comptables de l'économie en réseau, le patrimoine matériel va peu à 
    peu passer de la colonne des actifs à celle des passifs [...] tandis que les formes incorporelles du capital seront 
    de plus en plus enregistrées en tant qu'actifs. »
 Le partage du savoir, voilà la clé pour Thierry Ehrmann, qui initie des collégiens, deux fois par 
    semaine, aux nouvelles technologies. « Le patron de droit divin, et même de droit humain, est voué 
    à disparaître », prédit-il. D'ailleurs, dans son entreprise, il constate que son pouvoir 
    s'efface au profit d'organisations horizontales qui travaillent entre elles. Des contre-pouvoirs qu'il regarde se développer 
    avec la jubilation du jardinier admirant ses pousses.
 copyright ©2001 Challenges
   |